STRUCTURES ABSTRAITES

Rashid Abbas peint avec le temps, le silence et la solitude, de grands aplats qu'il descend sur sa toile en un geste unique et méticuleux qui conduit les espaces ainsi figurés vers la transparence et les perspectives infinies. En effet, parti des formes plates et géométriques, il aborde les volumes (perspectives dans l'espace) dans des esquisses de formes pyramides, de construction (de mur en briques ou marches), puis inscrit ses architectures dans du sable. Ascète de la recréation du monde, il dévoile sans ambages, la teneur ancestrale de son projet. Un magicien de la technique mixte et de l'acrylique. Il l'étale sur la surface où elle invente ses espaces. Traduit aussi la vie élémentaire, la texture, la matière, la densité de la chaleur et jusqu'au silence qui stagne. Ses 'paysages' abstraits sont posés en quelques masses qui ont la transparence de l'univers, la nature, l'espace, le mirage qui nous tente. Un monde lavé de ses scories. Beau comme une promesse. Mais la mélancolie aussi n'est pas loin. Car, peignant la projection du subconscient, Rashid Abbas fait passer sans excès, avec une bonne retenue et pudeur, ses sentiments.
Fathi Chargui (Le Temps, Tunisie).

ABSENCES IRAKIENNES DANS LA MEMOIRE

Sur les reliefs suggérant des murs, des chemins de terre brute, se projettent d'étranges collines d'ombre. C'est pour l'artiste de Bagdad l'image omniprésente de la femme voilée, silhouette nocturne, sans regards, ni identité. Absence compacte, trace d'humanité, enveloppe figée dans le silence. Posté à l'angle d'un mur de sable, parfaitement suggéré par une paire de planches drapées de toile imprégnée de terre, une silhouette humaine privée de tête, apparaît comme un vestige, une ombre errante, un fossile rescapé de la catastrophe. On retrouvera ce personnage, moulé dans une pâte de papier noire, en posture méditative face à une façade de nuit et de pierre. La boue séchée de jaune brun, les canisses et le carton ondulé blafard, comme une paroi craquelée, imposent l'image d'un univers abandonné, déserté. Coquille d'où la vie s'est évaporée, ne laissant que d'obsédantes tracesnocturnes. Sur des fonds de bitume, traversé de paillettes de feu, on voit de sinistres colonnes de sable et de fumée. Les 'peintures sculptures' de Rashid Abbas transcendent le matériau modeste, par une singulière densité de l'expression. L'habileté à sculpter la tête de papier et le mortier de résine et de sable parvient à donner aux matières une véritable authenticité. Aux antipodes d'un art conceptuel, trop souvent vidé de sens, mais très loin également d'un Orient de légendes, l'oeuvre dense et silencieuse de l'artiste irakien témoigne d'une nostalgique absence et d'un réduit inquiet de désert et d'immobilité.
Mireille Schnorf, La Presse Riviera.

AUX CONFINS DE L'ETRANGE

L'artiste irakien, installé à Lausanne, regarde avec nostalgie son pays d'origine. Subtiles réminiscences. Fragiles et éphémères, les oeuvres de l'artiste irakien Rashid Abbas sont les fragments des souvenirs qu'il garde de son pays d'origine. Sur des structures de grillage métallique ou des alignements de bambous, il tend une toile grossière en jute, du papier journal ou d'emballage. L'artiste ouvre ensuite sa mémoire et laisse parler les réminiscences d'un pays où les femmes sont voilées, silhouettes sombres se ressemblant toutes. Le désert aussi fait partie intégrante de ce monde étrange. Il est omniprésent dans les oeuvres de Rashid Abbas, à travers le sable blond que l'artiste introduit dans ses compositions. Il pétrit une pâte épaisse, faite de sable et de résines, qui forme une surface accidentée sur le support. Il arrive qu'une tache de couleur rouge vif passe et se mêle au sable, touche éclatante dans les dégradés de gris et de beiges. Les personnages voilés hantent chaque oeuvre, parfois sous forme de sculpture en papier mâché placée devant le tableau, exclue du cadre mais agrandissant ainsi le champ de l'oeuvre. Originaire de Bagdad où il a étudié les beaux-arts, Rashid Abbas travaille maintenant à Lausanne. Traces labiles d'un monde qu'il regarde avec nostalgie, ses compositions sont imprégnées de la poésie des objets simples et des matières que l'on récupère et qui racontent leur histoire. Inscrit dans la lignée de l'art contemporain qui privilégie les techniques mixtes et la récupération, le travail de Rashid Abbas est hybride.

SAGESSE ANCESTRALE

L'artiste a absorbé les apports d'une forme d'expression européenne en les transformant à travers un filtre oriental qui confère à son travail un fond bouillonnant derrière un aspect placide. Exotique et secrète comme le désert, l'oeuvre de Rashid Abbas possède sagesse ancestrale et fraîcheur à la fois, comme les vieilles légendes qui habitent toujours la mémoire collective.
Nicole Kunz, Journal de Genève.

(...) Passant avec aisance du semi-figuratif à l'abstrait, l'artiste suggère plus qu'il ne décrit. Il y a dans ces oeuvres - empreintes parfois d'une certaine mélancolie - aussi bien des évocations du pays lointain, des traces de souvenirs perdus et retrouvés, que des visions d'aube ou de crépuscule. Nous sommes ici tantôt comme dans un labyrinthe de murailles, de maisons et de petites rues, tantôt comme dans un territoire entièrement rêvé, peuplé d'ombres et de clartés bleues.
(...)J.-L. Rebetez